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Oh my Gode! Dykes on my TV!
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15 avril 2007

Visibilité positive / Indifférence / Egalité

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Pour les lesbiennes, on peut supposer que The L Word représente, plus qu'une question d'identification, mais en quelque sorte la conquête de la visibilité positive sur le no man’s land de la représentation lesbienne.

Il est nécessaire de s'arrêter un instant sur cette question de visibilité positive derrière laquelle peuvent se cacher diverses interprétations. Certains courants militants identitaires estiment que la lutte contre l'homophobie ne peut exister sans « visibilité », l'action de rendre visible ce qui fut longtemps clandestin. En général, les phobies naissent de l'ignorance, l'homophobie n'y échappe pas et les stéréotypes dévalorisants et diffamatoires qui accompagnent l'homosexualité ont la peau dure, il semble difficile de s'en défaire (homosexualité = pédophilie, perversion, provocation, etc.). Donner à connaître à l'autre en sortant de la clandestinité est alors employé comme moyen de lutte contre l'homophobie.

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« Ce qui est intéressant, dans cette série, c'est que l'on assume d'emblée l'acceptation de l'homosexualité, par les téléspectateurs. On humanise les lesbiennes, en les dépeignant comme de "vraies personnes" avec des vies complexes »[2]. Même si elle n'est pas familière avec The L Word, la sociologue Line Chamberland, dit apprécier « cette idée d'une intrigue où l'orientation sexuelle se passe de présentation. »[3]

«  La série montre aux américains que les lesbiennes sont comme tout le monde. Elles font partie de votre monde. Peut être que vous ne vous en rendez pas compte. Elles vivent leur vie comme tout un chacun. Elles ont les mêmes problèmes que tout le monde. » [4]

On voit bien alors que la frontière entre visibilité positive et invisibilité est très floue et mouvante. Paradoxalement, montrer des « lesbiennes positives » reviendrait à les invisibiliser au regard des autres femmes, c'est sur ce fil que la visibilité lesbienne évolue dans une série comme The L Word et dans les courants identitaires, une sorte d’ « être positif pour devenir neutre »...

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En effet, les filles de The L Word sont sportive, responsable d'un musée, journaliste, travailleuse social, gérante d'un café, coiffeuse, elles sont présentes à des postes au carrefour de la vie, de la culture, de la société. Elles ont des responsabilités et des influences, elles prennent en main non seulement leur destin, mais leur influence s'immisçant aussi dans celui des autres, c'est une image valorisante de la femme qui ne bénéficie pas aux lesbiennes seules mais à la communauté féminine toute entière!

On en revient dès lors à retrouver cette notion d'invisibilisation induite par la féminité des lesbiennes représentées et l'hétérocentrisme ambiant…

Si l'on part de ces constats, on ne peut que penser que The L Word n'apporte en rien une révolution transgressive ou subversive, mais on peut aussi imaginer que la subversion est là, justement. Faire pénétrer un spectateur dans un univers où tout lui semble familier pour peu à peu déconstruire ce familier afin de l'emmener ailleurs, plus loin, dans une réflexion plus poussée… Là encore, on ne peut s'empêcher de retrouver le courant identitaire, cette revendication intégrationniste et égalitaire.

Si la série The L Word ne transgresse pas « la norme », ne peut-on pas imaginer qu'en revanche elle se l'approprie, que plutôt que d’en choisir la marge, elle la « noyaute » de l’intérieur? 

De même, la série semble redessiner les contours de l’orientation sexuelle en y instaurant un flou et une absence de linéarité, comme pour aplanir les « différences ». "Most girls are straight until they're not"[6]. Cette réplique d'Alice est devenue un peu le gimmick* de la série tant il est vrai que les personnages féminins sont soit des lesbiennes en devenir soit des lesbiennes au passé hétéro.

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D’autres personnages hétéros ont connu l’homosexualité, soit de manière expérimentale à l’instar de Leonor la mère d’Alice et de Peggy Peabody qui a été lesbienne en 1974 (et juste en 1974!)[8]. Soit à une époque, dans un milieu, où la vivre semblait inconcevable comme pour la mère de Dana qui eut un élan amoureux envers une de ses amies dans ses jeunes années.[9]

La banalisation de l’homosexualité féminine passerait alors ici aussi par la démonstration que beaucoup de femmes ont connu un émoi amoureux envers une personne de même sexe, même s’il fut fugace ou inassouvi. Ou bien qu'elles sont susceptibles de le connaître...


 

[1] Ilene Chaiken dans Tout sur L, Op. cit.

[2] WARN, (S), dans « L comme dans… », Op. cit.

[3] CHAMBERLAND, (L), Ibidem.

[4] MOON, (G), dans Tout sur L, Op. cit.

[5] Ibidem

[6]  Trad : « La plupart des filles sont hétéros jusqu’à ce qu’elles n’y soient plus… » - Episode 1.03 Lignée / Let's do it

[7] Episode 1.01 Langoureuse / Pilot

[8] Episode 1.04 Liaisons / Longing

[9] Episode 1.09 Lucidité / Listen Up

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